Guerre commerciale : les États-Unis de Trump contre le reste du monde

L’actualité financière s’enflamme : une nouvelle guerre commerciale vient d’éclater entre Washington et à peu près tous ses grands partenaires. Donald Trump, fidèle à son crédo « America First », a lancé une offensive tarifaire tous azimuts, s’attirant des ripostes de l’Europe, de la Chine et d’une bonne partie du globe. Bourses en chute libre, tensions diplomatiques à leur comble, inquiétudes pour l’économie mondiale… Que se passe-t-il exactement ? Décryptage d’un conflit commercial planétaire qui bouleverse les règles du jeu.


Trump dégaine les tarifs douaniers tous azimuts

Donald Trump vient de franchir un cap historique en imposant des hausses de droits de douane massives sur tous les produits importés aux États-Unis. Le président américain a décidé d’appliquer immédiatement une taxe universelle de 10 % sur l’ensemble des importations, puis de l’augmenter drastiquement pour certains pays ciblés​.

Dès mercredi, ce taux passe à 20 % pour plusieurs partenaires majeurs comme l’Union européenne, 34 % pour la Chine, et même 32 % pour Taïwan​.

En clair, Washington surtaxe quasiment le monde entier – y compris ses alliés traditionnels (Japon, Corée du Sud, Canada, Australie…) – dans l’espoir affiché de protéger son industrie nationale. Cette décision, annoncée sans ménagement par Trump, renverse des décennies de libre-échange et de baisse des barrières commerciales​.

Le président martèle que les États-Unis se font exploiter : selon lui, de nombreux pays « pillent » l’économie américaine avec des pratiques commerciales déloyales​.

À ses yeux, les nouveaux tarifs douaniers sont la « seule manière » de résoudre le problème, quitte à froisser tout le monde. « Les droits de douane vont rapporter des dizaines de milliards de dollars aux États-Unis », assure-t-il, les qualifiant même de mesure « magnifique »​.

(On aura compris que pour Trump, la fin – rééquilibrer la balance commerciale – justifie les moyens, aussi brutaux soient-ils.) Jamais un président américain n’avait enclenché une telle salve de taxes tous azimuts en si peu de temps, ce qui fait dire à certains qu’« il ne s’agit plus seulement d’un conflit commercial, mais d’une refonte systémique de l’ordre économique mondial »​.

Le ton est donné : l’administration Trump part en guerre commerciale contre le reste du monde, persuadée que « les prédictions apocalyptiques » de ses détracteurs seront démenties par les faits​.

L’Union européenne et le monde font front commun

Face à cette offensive sans précédent, la riposte internationale s’est organisée instantanément. Jamais ou presque on n’avait vu un front aussi uni – de Bruxelles à Pékin en passant par Ottawa ou Mexico – pour répondre aux États-Unis. Dès l’annonce des hausses de tarifs américains, l’Union européenne a dégainé ses propres contre-mesures. Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a fermement condamné la décision de Washington et annoncé que l’UE appliquerait à partir du 1er avril des droits de douane « forts mais proportionnés » sur une liste de produits emblématiques made in USA​.

Au menu : bateaux, motos, bourbon, jeans, beurre de cacahuète, et bien d’autres produits américains visés en retour – un véritable inventaire à la Prévert de l’American way of life. L’objectif affiché ? Rééquilibrer la balance en frappant pour 26 milliards d’euros d’importations américaines, soit le même montant que celui des marchandises européennes touchées par les taxes de Trump​.

« Les droits de douane sont des taxes. Elles sont mauvaises pour les affaires et encore pires pour les consommateurs… Des emplois sont en jeu. Les prix vont augmenter, en Europe et aux États-Unis » martèle Ursula von der Leyen​, résumant l’inquiétude générale sur les dégâts collatéraux de cette guerre commerciale. Bruxelles n’est pas seule sur le pont. La Chine a aussitôt répliqué elle aussi. Pékin, « fortement mécontente » de se voir ciblée, a annoncé des surtaxes équivalentes sur un large éventail de produits agricoles américains​.

Ainsi, le poulet, le blé, le maïs ou le coton expédiés vers la Chine écoperont de 15 % de droits de douane supplémentaires, tandis que le soja, le sorgho, le porc, le bœuf, les fruits de mer ou les produits laitiers venus des États-Unis seront taxés à hauteur de 10 %​.

Pékin vise clairement les produits des « farmers » américains – la base électorale de Donald Trump – afin de faire pression là où ça fait mal​.

Toutefois, la Chine reste mesurée : cette riposte calibrée montre qu’elle laisse la porte ouverte au dialogue, estiment des experts, qui notent que Pékin aurait pu frapper plus fort​.

Officiellement, le message chinois se veut ferme mais responsable : ces contre-mesures entendent « ramener les États-Unis sur la bonne voie », a déclaré Ling Ji, vice-ministre du Commerce, tout en promettant que la Chine resterait « une terre sûre » pour les investisseurs étrangers malgré la tempête​.

D’autres grandes économies ne sont pas en reste. Le Canada, allié et premier fournisseur d’acier des États-Unis, s’est senti trahi et a immédiatement contre-attaqué. Ottawa dénonce des tarifs « injustifiés et déraisonnables » et impose à son tour, dès cette semaine, des droits de douane de 25 % sur près de 30 milliards de dollars canadiens d’importations américaines (environ 18 milliards d’euros)​.

Sont ciblés en priorité les produits métallurgiques américains – 12,6 milliards de dollars canadiens d’acier et 3 milliards d’aluminium – mais aussi une longue liste de biens allant des ordinateurs jusqu’aux équipements sportifs​.

« Nous ne resterons pas les bras croisés alors que nos industries emblématiques de l’acier et de l’aluminium sont injustement visées » prévient le gouvernement canadien, qui avait déjà, depuis début mars, commencé à surtaxer 30 milliards de dollars de produits US en réaction à une première salve de tarifs commerciaux de Trump​.

Le Mexique, de son côté, a choisi des représailles très politiques : Mexico va taxer fortement (20 à 25 %) des produits américains soigneusement choisis – porc, fromage, pommes, bourbon… – représentant environ 3 milliards de dollars d’échanges​.

D’après des responsables mexicains, la sélection de ces produits n’est pas anodine : elle vise délibérément les industries de États américains acquis aux Républicains, pour faire pression sur Trump via son propre camp​.

(Une guerre commerciale qui se mêle de politique intérieure US : le monde à l’envers !) En Asie, d’autres puissances économiques s’alarment et réagissent également. Le Japon, la Corée du Sud, l’Inde ou le Vietnam – pourtant partenaires proches de Washington – font partie des pays pris dans le filet des surtaxes américaines​.

Beaucoup envisagent à leur tour des mesures de rétorsion ou cherchent à s’allier entre eux pour faire front commun face aux États-Unis. Même en Amérique latine, la tension est vive : le Brésil, deuxième fournisseur d’acier des États-Unis après le Canada avec plus de 4 millions de tonnes exportées en 2024​, est directement touché par la hausse des tarifs. Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, bien que farouche partisan du libre-échange, a averti que « s’il (Trump) taxe les produits brésiliens, il y aura réciprocité »​

– même s’il préfère la voie diplomatique pour l’instant. Partout, le constat est le même : cette guerre commerciale de Trump est jugée dangereuse et dommageable. « Une guerre commerciale ne fait de bien à personne », résume un ministre brésilien, exprimant tout haut ce que pensent tout bas la plupart des dirigeants du globe.

Panique sur les marchés : un « lundi noir » à la bourse

Les marchés financiers, eux, ont réagi avec une véritable panique face à l’escalade des tarifs. Lundi matin, au lendemain des annonces, les Bourses mondiales ont connu un krach éclair digne des pires souvenirs de 2008. À l’ouverture, les indices européens ont plongé en chute libre : la Bourse de Francfort a dévissé de –7,8 % (après un bref décrochage à –10 % en tout début de séance), et Paris a lâché plus de –6 %​.

Le CAC 40, indice phare de la place parisienne, a ainsi perdu des centaines de points en quelques heures, un effondrement qualifié de « lundi noir » par la presse économique. En seulement quelques jours, plus de 1 500 milliards d’euros de capitalisation boursière sont partis en fumée en Europe
– du jamais vu à une telle vitesse. Pour Berlin, cette débâcle boursière est un véritable « signal d’alarme » illustrant qu’il n’y a « que des perdants » dans une guerre commerciale et qu’il faut d’urgence « éviter » une escalade supplémentaire​.
Le séisme n’a pas épargné l’Asie. De Tokyo à Hong Kong, en passant par Shanghai et Séoul, les principales places asiatiques ont elles aussi connu un lundi noir historique​.

L’indice Hang Seng de Hong Kong s’est effondré de plus de 13 % – sa pire séance depuis la crise de 1997 – tandis que la Bourse de Taïwan chutait de 9,7 %, un record absolu​.
Le Nikkei japonais a abandonné près de 9 %, du jamais vu en une journée depuis des décennies​.

Wall Street n’a pas été en reste : le Dow Jones américain avait déjà connu un vendredi noir (-4 %) et s’orientait vers une nouvelle baisse à l’ouverture de lundi, après avoir vu 6 000 milliards de dollars de valorisation s’évaporer en deux séances la semaine précédente​.

Interrogé sur cette réaction violente des marchés, Donald Trump est resté inflexible, droit dans ses bottes. Pas question de reculer selon lui : « Il faut parfois suivre un traitement pour guérir », a-t-il déclaré froidement, comparant en somme la purge boursière à un mauvais moment à passer pour le bien de l’économie américaine​.

Le président se montre d’ailleurs confiant que tout ceci n’est qu’un orage passager : il affirme que les États-Unis seront « beaucoup plus forts » une fois ses mesures en place, et assure que la chute de la bourse n’est pas voulue mais n’entame pas sa détermination​.

Les investisseurs, eux, redoutent au contraire une « escalade destructrice pour l’économie » mondiale​. Comme le souligne un analyste, « le monde tel qu’on le connaissait a disparu » face à la remise en cause brutale de l’ordre commercial mondial​.

L’incertitude est totale, et elle se lit dans la fébrilité des marchés.

Quels impacts pour l’économie, les entreprises et les consommateurs ?

Au-delà de la tempête boursière immédiate, les conséquences potentielles de cette guerre commerciale s’annoncent lourdes pour l’économie mondiale. Les économistes multiplient les mises en garde. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a calculé que l’escalade des droits de douane entre les États-Unis et le reste du monde pourrait freiner la croissance mondiale dans les prochaines années​.

Dans ses dernières prévisions, l’OCDE anticipe un ralentissement de la croissance planétaire, de 3,2 % en 2024 à 3,1 % en 2025 puis 3,0 % en 2026, si le conflit commercial perdure​.

Certes, ces chiffres peuvent sembler modestes, mais ils représentent des milliards de richesse en moins et des emplois menacés partout sur le globe. Les pays les plus touchés seraient ceux qui dépendent le plus du commerce américain, comme le Canada et le Mexique, estiment les experts, car ils subissent de plein fouet à la fois les tarifs US et le besoin de répliquer en retour​.

L’autre danger pointé du doigt, c’est une hausse des prix généralisée. En surtaxant les échanges, on renchérit le coût des produits importés – une sorte de « taxe cachée » qui finit dans le panier de la ménagère. « L’augmentation des coûts commerciaux devrait se répercuter progressivement sur les prix des biens finaux, exerçant une pression supplémentaire sur l’inflation », alerte l’OCDE​.

En clair, les consommateurs risquent de payer plus cher un grand nombre de produits du quotidien, qu’il s’agisse d’un smartphone fabriqué en Chine, d’un jean américain ou d’une voiture européenne assemblée avec de l’acier importé. Les banques centrales, comme la Réserve fédérale américaine, s’inquiètent de cette poussée inflationniste inattendue qui pourrait les contraindre à maintenir des taux d’intérêt élevés plus longtemps​ – au risque de freiner encore davantage l’activité économique. « Les tarifs douaniers de Trump risquent de se répercuter sur le prix des biens », résume sobrement l’OCDE en guise d’avertissement​.

Pour les entreprises, le climat d’incertitude est tout aussi délétère. Du jour au lendemain, de nombreuses firmes exportatrices voient leurs débouchés se restreindre ou leurs coûts augmenter. Les industriels américains qui importent de l’acier ou des composants étrangers subissent une hausse brutale de leurs coûts de production – ce qui les met en difficulté, ironiquement, face à leurs concurrents internationaux. « Nous naviguons en eaux troubles », admet l’économiste en chef de l’OCDE, soulignant la perte de confiance des investisseurs face à un avenir imprévisible​.

De grandes multinationales commencent à revoir leurs plans d’investissement : pourquoi construire une nouvelle usine si les règles du commerce mondial deviennent instables ? Certaines entreprises pourraient même être contraintes de licencier ou de se restructurer si leurs exportations sont frappées de plein fouet par les tarifs (par exemple, les producteurs américains de soja ou de porc, désormais lourdement taxés en Chine, risquent de réduire la voilure). Un expert du Centre pour les études stratégiques internationales à Washington craint que, pour sauver quelques emplois industriels, on sacrifie des secteurs entiers beaucoup plus porteurs en termes d’emplois et de prospérité​.
« On pourrait se retrouver très isolés », prévient-il, si les partenaires habituels des États-Unis se tournent les uns vers les autres – ou vers la Chine – pour compenser la perte de confiance envers Washington​.

Au final, c’est toute l’architecture économique mondiale qui vacille. La perspective d’une guerre commerciale prolongée fait redouter un coup de frein général sur le commerce international, moteur de la croissance ces dernières décennies. Les échanges risquent de se réorganiser en blocs fermés, chaque camp élevant ses murailles douanières – un scénario perdant-perdant rappelant les erreurs des années 1930. Comme l’a souligné le Premier ministre britannique, « le monde tel qu’on le connaissait a disparu »​, laissant place à une ère d’incertitude.
Bien sûr, tout n’est pas joué : devant la levée de boucliers planétaire, des négociations de dernière minute pourraient survenir pour désamorcer la crise (beaucoup l’espèrent, y compris au sein même de l’entourage de Trump, dit-on en coulisses). Mais pour l’heure, le bras de fer est engagé et aucun protagoniste ne semble vouloir céder. (En somme, chacun campe sur ses positions : Trump martèle qu’il gagnera facilement ce « très bon » combat commercial, tandis que ses adversaires jurent de ne pas se laisser faire. Le risque, c’est que tout le monde y laisse des plumes. Comme souvent dans ce genre de conflit, la réalité pourrait bien rappeler à tous une vieille leçon d’économie : dans une guerre commerciale, il n’y a pas de vainqueur – seulement des perdants​.)

Sources : lefigaro.fr, Reuters.com, Boursorama.com, vox.com, journaldemontreal.com

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