Doit-on craindre une hausse des taux d’intérêt ?

Après une première augmentation en juillet et une deuxième en septembre, la Banque Centrale Européenne a annoncé jeudi 27 octobre une 3e hausse de ses taux directeurs de 75 points de base, portant son principal taux de refinancement à 2%. Ce relèvement fait suite à l’annonce d’un niveau d’inflation annuel jamais vu en Europe depuis 1985. Doit-on s’attendre à une poursuite durable de la tendance et de ses conséquences sur l’activité ?


+6,2% d'inflation en France sur un an !

Voilà une annonce qui ne pouvait laisser Christine Lagarde, Présidente française de la BCE, totalement de marbre. Chargée de la stabilité des prix en zone Euro, l’institution indépendante de tout pouvoir politique a donc réagi comme on pouvait s’y attendre. Il faut dire que les chiffres sont éloquents.

Après 2 mois de calme (-0,6% en septembre), l’INSEE à calculé le 28 octobre une reprise de l’inflation en France de +1% sur le mois d’octobre (+6,2% sur un an). Même si le phénomène a été mieux maîtrisé que chez "les copains" (les autres pays Européens ndlr) selon E. Macron, il touche tous les pays, tous concernés par une augmentation des prix de l'énergie (+19% en un an), de l'alimentation (+12%, dont +16,9% sur les produits frais) et des produits manufacturés (+4,2%).

Une inflation principalement due à notre dépendance aux importations et aux conséquences du contexte guerrier, a pourtant déclaré en substance Emmanuel Macron à l’intention de la BCE, craignant qu’un nouveau relèvement ne contribue trop dangereusement à « briser la demande » en Europe, dans une économie qui « n’est pas en surchauffe », contrairement aux Etats-Unis, qui a également subi cinq relèvements de la banque fédérale depuis le début de l’année (six au Canada).

Enfin, mettant un peu la pression sur la BCE, il pensait sans doute donner en retour un gage suffisant en annonçant qu’aucune indexation des salaires ne serait enclenchée, pour éviter toute spirale inflationniste

Mais rien n’y a fait, et après 2 hausses des taux d'intérêt directeurs de la BCE en juillet et en septembre (les taux à + ou - longs termes appliqués par la banque centrale aux prêts consentis aux banques commerciales) pour faire ralentir l'inflation dans les pays de la zone Euro, la 3e hausse est bien intervenue.

Y aura-t-il d'autres augmentations des taux ?

La véritable question reste donc la durée de ce cycle d’augmentations. Y aura-t-il prochainement d'autres relèvements du point de base ? Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, ne nous apprend pas grand-chose en précisant que si l'inflation est contenue, il n’y aura pas lieu de poursuivre... la réponse est peut-être à chercher du côté des analystes, qui avaient été plus pessimistes et avaient prévu des conditions de resserrement plus radicales. Réaction immédiate des marchés : visiblement rassurées par la faible ampleur du mouvement, les interprétant comme une annonce de relâchement des autorités centrales (donc de fin du cycle ?), les principales bourses Européennes clôturaient en hausse jeudi 27 octobre.

Cependant, sans verser dans un trop grand pessimisme, certains observateurs soulignent tout de même que quelques signes semblent montrer la détérioration de fondamentaux économiques, et qu'une remontée trop importante des taux risquerait de précipiter l'activité dans de réelles difficultés.

Semblant tout de même avoir pris la mesure de sa responsabilité, la BCE avance donc à pas comptés et ne prend aucun engagement sur sa politique à venir, préférant mesurer les effets concrets de chacune de ses mesures, tout en reconnaissant une détérioration des perspectives et un risque de récession en décembre.

Endossant son habit de gendarme en charge du risque inflationniste sur la zone Euro, Christine Lagarde en appelle à un ciblage des politiques publiques contre la hausse des prix pour plus d’efficacité, laissant à penser qu’elle pourrait décider d’une pause de sa stratégie de resserrement des taux si les gouvernements suivent cette recommandation.

Le débat risque de se régler dans les mois à venir, lorsque la possible récession aura réduit mécaniquement tout risque inflationniste, mettant ainsi un terme (provisoire ?) à ce cycle de hausse des taux d'intérêt, devenu inutile.

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